Dossier «L'Affaire du RER D» — Le Monde | ![]() | ![]() |
Jean-Marie Charon : Je pense que sur des faits tels que l'affaire du RER ou l'affaire du bagagiste de Roissy il y a presque deux ans, on doit réfléchir à des phénomènes d'inconscient collectif.
Dans le cas de l'affaire du RER, c'est effectivement le retour de tout un questionnement, de tout un doute probablement aussi, sur la question de la France par rapport à la question de l'antisémitisme. Et dans l'affaire du bagagiste de Roissy, c'était tout le problème de notre inquiétude diffuse à l'égard des phénomènes de terrorisme de masse qu'avait évidemment amorcée l'attentat du 11 septembre. Et ces phénomènes d'inconscient jouent chez l'ensemble des protagonistes du traitement des faits divers.
Ils jouent chez les enquêteurs eux-mêmes (policiers, gendarmes, voire magistrats), qui vont eux-mêmes, dans ces affaires, alerter par le biais de relations interpersonnelles les médias. Ils jouent chez les journalistes spécialisés dans les faits divers qui vont avoir le sentiment qu'une affaire qui leur arrive a davantage d'impact et doit être privilégiée. Ils jouent dans l'encadrement rédactionnel qui va être souvent moins vigilant, qui discutera moins les termes de l'affaire avec les journalistes spécialisés. Et ils jouent aussi au niveau de toute une série de réactions publiques, d'associations par exemple, qui elles aussi vont être davantage disponibles, davantage prêtes à réagir. Cela sans que les uns et les autres aient pris le temps ou suffisamment de précautions pour valider l'ensemble des problèmes posés, et éventuellement les incohérences ou les faiblesses qui vont apparaître dans l'enquête.
Samir : Cet emballement médiatique résulte sûrement du climat de crainte qui règne. Ce climat est-il récent, ou est-ce qu'il a toujours existé ? Et que pensez-vous de la comparaison avec les Etats-Unis quant à l'utilisation de ce climat de peur ?
Jean-Marie Charon : Dans l'affaire du RER, il y a un phénomène à prendre en compte, pas tout à fait récent, qui renvoie à une chronologie de 2 à 3 ans, dans lequel le traitement des phénomènes d'antisémitisme par les médias a fait débat. Je vous rappelle qu'au printemps 2002, on a eu tout un débat en France dans lequel se sont trouvés interpellés notamment un média comme France 2, mais aussi la plupart des quotidiens nationaux, notamment Le Monde sur le thème d'un reproche de sous-traitement, voire de non-traitement, de toute une série de faits relevant de l'antisémitisme.
Les médias ont été, dans un premier temps, très déstabilisés par cette réaction. A la fois parce qu'ils étaient soumis à une pression très forte, notamment par des associations rattachées à la communauté juive, mais aussi parce qu'ils avaient du mal à intégrer et à analyser ces phénomènes en fonction de leur grille de lecture de la société française de l'époque. Je crois que dans l'affaire du RER, on a l'illustration d'une espèce de tentative, de volonté inconsciente des médias de compenser de ce qui a peut-être été une faiblesse dans leur traitement du problème.
Elodie : N'est-ce pas plutôt que les journalistes, sans vouloir généraliser - mais tout de même -, souhaitaient illustrer ce qu'ils pensent être une réalité non contestable (l'antisémitisme en banlieue) ? Pensez-vous que l'on aurait eu le même phénomène si un Noir ou un beur avait porté plainte contre une juive les ayant agressés ?
Jean-Marie Charon : Je ne pense qu'il y ait une sorte de volonté délibérée des journalistes qui voudraient démontrer quelque chose et qui agiraient comme une sorte de collectif cohérent. En revanche, ce qui me paraît problématique, c'est l'existence d'un climat d'attente, une sorte de disponibilité à l'égard d'un certain nombre de faits qui vont paraître crédibles au regard d'une série d'éléments ou d'événements qui ont déjà eu lieu.
Dans le cas du RER, il s'agit d'un sentiment d'accélération de faits tels que les profanations de cimetières, les agressions qui, à chaque fois, sont décrits comme des faits d'antisémitisme. Autrement dit, lorsque les journalistes prennent connaissance, par une fuite comme dans l'affaire du bagagiste de Roissy, ou par un communiqué officiel comme dans l'affaire du RER, d'un fait qui paraît plus grave encore, ils ont le sentiment que ce qu'ils ressentaient implicitement s'est en fait réalisé. Et à ce moment-là, le nouvel événement est traité sans doute avec moins de précautions parce qu'il apparaît crédible en lui-même.
Cela dit, tous les médias ne sont pas sur la même logique. Les quotidiens notamment nationaux, qui disposent d'équipes de traitement de faits divers plus expérimentées, plus nombreuses, plus aguerries, vont généralement tenter de vérifier davantage, d'obtenir plus de précisions, alors que les médias audiovisuels, qui travaillent plus rapidement, qui ont moins de journalistes spécialisés dans ces affaires, vont, eux, être davantage disponibles à ces phénomènes et auront moins les moyens de prendre du recul par rapport à eux.
J25 : Vous semblez penser que les erreurs des médias sont plutôt dues à des problèmes de vérification de l'information. Mais n'y a t-il pas des problèmes d'ordres différents ? Par exemple, pourquoi les médias sont ils hyper-réactifs vis-à-vis de certains sujets et frileux sur d'autres ? Pendant la guerre en Irak, les médias américains ont été très critiqués pour le manque d'indépendance. Les médias français ont-ils eux aussi parfois leurs tabous ?
Jean-Marie Charon : Cela renvoie à la question posée sur l'inconscient collectif. De ce point de vue, les médias, et particulièrement les médias français, sont toujours très proches des réactions inconscientes de l'opinion à l'égard d'un certain nombre d'événements, tout comme ils sont souvent influencés, là encore au niveau de leur inconscient, par les positions qu'ont pu prendre un certain nombre de grands acteurs politiques sur ce phénomène.
Lors de la guerre en Irak, les médias français ont travaillé avec d'autant plus de liberté, d'ouverture sur l'événement, que le gouvernement français avait pris une attitude de non engagement par rapport aux opérations militaires. Il est probable que leur attitude aurait été très différente si le gouvernement français avait pris une position en faveur de l'engagement militaire, et surtout si des troupes françaises avaient été sur le terrain.
Jean-Marie Charon : Je crois qu'en l'occurrence on ne peut pas parler d'autocentrage, on est plutôt face à des phénomènes dans lesquels il y a un phénomène d'entraînement, mais sous l'impulsion d'acteurs extérieurs. Dans l'affaire du bagagiste, c'est une fuite policière qui amorce cet emballement, et dans le cas du RER, ce sont les communiqués officiels. Et on peut dire que dans la plupart des affaires que l'on a qualifiées de politico-judiciaires, ce sont toujours des sources extérieures qui vont avoir tendance à amorcer ces emballements.
Néo : Dans l'affaire du RER D, l'emballement médiatique n'est-il pas venu de la volonté des journaux de faire dans le sensationnel ? Ne trouvez-vous pas que les journaux (télévisés essentiellement) ont plus une volonté d'Audimat que d'information ?
Jean-Marie Charon : Cette question revient à chaque fois qu'on a affaire à un fait divers particulièrement dramatique et qui va effectivement conduire à ces phénomènes d'emballement. Je ne crois pas que les rédactions réagissent essentiellement sur ces affaires-là avec des raisonnements en termes d'Audimat. Le principal moteur de leur réaction, d'après moi, est davantage de l'ordre de l'importance du fait par rapport à la situation politique et sociale générale.
Bien sûr, le fait qu'on soit en région parisienne, dans la proximité du RER que des millions de Français prennent chaque jour, avec une jeune femme à laquelle beaucoup de jeunes téléspectatrices peuvent s'identifier, tout cela peut conduire à renforcer l'impression, pour une rédaction, que cet événement doit être traité en priorité. Mais je ne pense pas qu'on puisse imaginer qu'on dirige les rédactions essentiellement avec des raisonnements en termes d'Audimat. Y compris parce que ces phénomènes s'amorcent avec des délais très courts qui ne permettraient pas ces raisonnements.
Richama : Je souhaiterais comprendre le fonctionnement des médias (notamment la presse écrite) qui s'accordent l'absolution après chaque emballement (exemple du bagagiste de Roissy), font semblant de tirer la leçon, mais remettent cela à la moindre occasion.
Jean-Marie Charon : Je pense qu'il y a deux aspects : le premier est de savoir si les médias se donnent les moyens de comprendre et d'analyser ce qui a pu les conduire à l'erreur. C'est vrai que par le passé, me semble-t-il, on avait le sentiment que les rédactions, après des catastrophes de l'information, étaient tentées de rapidement passer à autre chose. Il me semble que la décennie 1990 a joué un rôle important, on assiste davantage à un travail de réflexion et d'analyse interne sur les erreurs. Ce qui n'est sans doute pas sans lien avec le fait qu'au même moment se soient multipliés des lieux de critique des médias, que ce soit des livres, des publications, des émissions de radio ou de télévision, qui incitent finalement les rédactions à revenir sur des erreurs qui ont pu être commises et sur la compréhension de celles-ci.
Sur le fait de savoir pourquoi les choses se reproduisent malgré tout, je crois qu'il faut davantage prendre en compte la contradiction qui existe entre la manière dont les journalistes peuvent réfléchir à un problème et le système technique, économique, logistique dans lequel ils se trouvent pris en tant que système d'information et qui, lui, tend à multiplier les risques de reproduction des erreurs.
Eddy : Plusieurs quotidiens dans le monde ont présenté leurs excuses pour avoir manqué de retenue ou pour avoir publié des informations non vérifiées (Le Daily Mirror, le New York Times et plus récemment Le Monde dans l'affaire Marie L.). Est-ce que des excuses, ou même la démission du directeur d'une publication, sont suffisants pour garantir aux lecteurs un traitement équilibré et raisonné de l'information ?
Jean-Marie Charon : Je pense que la diffusion de cette pratique qui consiste à s'excuser quand on s'est trompé est un véritable progrès. D'une part, parce que cela introduit dans la relation entre le public et les rédactions un certain équilibre, où l'on reconnaît que le public doit bénéficier d'un droit à l'information. Donc quand ce droit est perverti, il est normal que les rédactions s'excusent. D'autre part, il semble que c'est le meilleur moyen pour qu'après un moment d'emballement et d'émotion, on permette au public de faire le point sur ce qu'étaient les éléments incontestables et, au contraire, là où il y a eu erreur, fragilité, faute.
Pendant très longtemps, dans les débats autour de la déontologie journalistique, notamment en France, on a posé cette question de l'absence de rétablissement des faits, d'excuses de la rédaction. Et les journalistes étaient très réticents à accepter ce type de procédure. Je considère dont qu'il s'agit d'un progrès de voir dorénavant les grandes rédactions recourir systématiquement à cette pratique.
LE RÔLE DU POLITIQUE
Elodie : Beaucoup de journaux ont imputé la responsabilité de l'emballement de l'affaire du "RER D" à la précipitation du pouvoir politique. Est-ce aux non-journalistes (politiques, lecteurs, etc.) de faire le travail des journalistes, à savoir vérifier les informations ?
Jean-Marie Charon : Je pense qu'on est obligé, dans l'affaire du RER, de prendre en compte la chronologie. Par rapport à une affaire de droit commun ou de faits divers classique, il y a une chronologie qui est extrêmement courte. Deux heures s'écoulent entre le dépôt d'une plainte dans un commissariat de quartier et la diffusion d'un premier communiqué par le ministre de l'intérieur. La diffusion du communiqué par le ministère a pris à contre-pied le travail habituel des médias en matière de faits divers, au sens où ce sont très rapidement les chefs de services et rédacteurs en chef qui ont d'abord été informés et non pas les journalistes spécialisés dans les faits divers qui, eux, ont pour habitude de travailler directement en relation avec les services chargés des enquêtes. On imagine mal, même si a posteriori il est difficile de critiquer, que les médias et notamment les médias d'information en direct, à commencer par France Info, aient pu laisser sans réponse le communiqué du ministère de l'intérieur, d'autant plus qu'il évoquait un fait grave et avec une formulation extrêmement dramatisée.
Il est certain que dans ce type de situation, les journalistes spécialisés dans les faits divers, et notamment dans les affaires liées par exemple aux actes antisémites, soient amenés à entrer en action pour tenter d'obtenir un complément d'information sur ce qui est indiqué dans le communiqué. Mais là encore, il y a un effet à prendre en compte, qui est celui des médias d'information en direct, qui eux continuent à relayer ou à reprendre la même information de quart d'heure en quart d'heure. Ils donnent un sentiment - faux d'ailleurs - qu'entre-temps, les faits se sont en quelque sorte vérifiés.
On peut à la fois effectivement identifier ce problème, le fait que probablement les rédactions ont peut-être trop facilement accueilli les termes du communiqué du ministère de l'intérieur, sachant que très rapidement ceux-ci sont renforcés par les termes du communiqué du président de la République.
LG : Comment expliquez-vous la promptitude du ministère de l'intérieur à faire un communiqué à peine deux heures après le dépôt de la plainte de la fausse victime du RER ?
Jean-Marie Charon : Il y a là un risque de procès d'intention.
Premier commentaire : dans le fait qu'il ne faille que deux heures, cela signifie qu'il y a une espèce de court-circuitage de la remontée de l'information par la chaîne hiérarchique. Et ce court-circuitage ne peut s'expliquer, semble-t-il, que par un effet de ce climat d'attente que j'évoquais tout à l'heure. C'est-à-dire que le policier de base qui prend la plainte a déjà une réaction personnelle qui l'amène à percevoir que ce fait risque d'avoir un impact politique extrêmement fort, et prend donc sur lui d'accélérer la remontée hiérarchique de l'information. Et on peut dire qu'à chaque niveau hiérarchique, il y a la même réaction.
Deuxième commentaire : lorsque cette information arrive au cabinet du ministre, là aussi il y a un climat d'accueil qui va conduire à considérer qu'une réaction mérite d'être prise et c'est là qu'intervient la question de savoir sous quelle forme et avec quel niveau de dramatisation va avoir lieu cette réaction. C'est là un choix politique.
Bakr : Le peu de temps dont dispose le journaliste est-il la cause de cet emballement, comme nous l'a montré l'affaire Pujadas (France 2 avait annoncé la démission d'Alain Juppé de la présidence de l'UMP) ?
Jean-Marie Charon : L'affaire Pujadas s'interprète dans un climat de concurrence entre chaînes, avec un pari pris par la hiérarchie d'une rédaction de tenter de prendre sa concurrente de vitesse. Mais dans les affaires de faits divers, on est principalement confronté au fait que les journalistes sont dépendants du niveau d'information de leurs sources et de la bonne volonté de ces sources à leur délivrer cette information. Et il faut bien avoir à l'esprit que dans de nombreux faits divers, les policiers ou les gendarmes chargés de l'enquête n'ont pas forcément une vision unifiée des choses. Il peut y avoir débat.
Ce qui fait que les journalistes vont être confrontés à des contradictions dans leurs sources ou à des informations partielles ou orientées par ces sources. Donc effectivement là se pose le problème du délai et du temps insuffisant laissé souvent à ces journalistes pour pouvoir totalement vérifier l'ensemble des éléments en cause dans une affaire. Il faut rappeler d'ailleurs que cette relation aux sources, en France, est particulièrement compliquée par la loi qui, en principe, protège par le secret l'essentiel des faits d'enquête. L'article 11 du code de procédure pénale indique que l'enquête et l'instruction sont secrètes, ce qui veut dire que tout ce qui parvient aux journalistes passe par une relation interpersonnelle entre des enquêteurs et des journalistes, dans un cadre juridiquement fragile et qui ne permet donc pas une transparence simple et absolue.
Jéjé : Doit-on, selon vous, tout dire aux informations, quitte à se tromper, ou alors garder une certaine réserve et attendre un peu pour ne pas créer de tensions qui agraveraient le climat de la société ?
Jean-Marie Charon : Je pense qu'on ne peut pas tout à fait répondre dans l'absolu à cette question, on est obligé de raisonner sur des cas concrets. En principe, si les médias travaillent sans une intervention publique et politique, ils doivent davantage se donner les moyens de vérifier, et de nombreux faits (agressions, plaintes pour agressions) sont souvent traités avec un certain délai, voire rejetés, parce que manquant de crédibilité.
En fait, les choses se compliquent lorsque interviennent des médias qui ont parfois moins de moyens de vérifier ces informations, tels que les médias d'information en direct. Et là on peut évoquer aussi la question des agences d'information, le fait que par exemple ces dernières années, l'AFP ait travaillé trop vite - parfois un peu trop vite sur certaines de ces affaires - ce qui immédiatement a pour conséquence de déclencher l'intervention des médias d'information en direct. Dans l'affaire du RER, la question de la possibilité donnée aux médias de ne pas traiter de l'affaire est une fausse question. On n'imagine pas que les médias puissent laisser un silence derrière des communiqués aussi dramatisés.
Pipou : Le public n'est-il pas demandeur de l'immédiateté de la transmission de l'information (succès de France Info et autres télévisions d'information en continu) ?
Jean-Marie Charon : Le public est en permanence dans une attitude d'ambivalence à l'égard de l'information. D'un côté, il ne comprendrait pas qu'ont ne l'ait pas immédiatement informé d'un fait grave. De l'autre, il est également demandeur d'une information qui aurait été au préalable validée, vérifiée. C'est exactement le même phénomène auquel on est confronté dans des situations dramatiques telles que les guerres. On sait que quand un conflit militaire s'engage, les belligérants vont s'employer à travestir l'information, à transformer celle-ci en propagande, mais il n'empêche que le public n'accepterait pas que les médias ne mettent pas tous les moyens techniques et humains possibles en œuvre pour délivrer une information quasiment en temps réel.
C'est un paradoxe qui me frappe chaque fois que l'on commente le sondage annuel sur la confiance des Français dans leurs médias, puisque dans ce sondage on met systématiquement en évidence le doute, notamment à l'égard de la presse écrite ou de la télévision, alors que paradoxalement le média qui prend le plus de risques et qui finalement véhicule beaucoup d'imprécisions, en l'occurrence France Info, bénéficie d'un fort crédit dans le public.
Nils : Que diriez-vous de l'évolution du métier de journaliste ces dix dernières années ? Dans une société qui crée et met à disposition, notamment sur Internet, de plus en plus d'informations, ce métier ne devient-il pas de plus en plus difficile à exercer ?
Jean-Marie Charon : Je pense que c'est effectivement un métier de plus en plus difficile à exercer. D'une part parce qu'il y a toujours eu une difficulté à exercer ce métier en fonction des contraintes du temps, et il est vrai que ces dernières années on a assisté à une accélération considérable du travail des médias. Par ailleurs, les journalistes sont amenés à traiter des informations relevant de domaines de plus en plus nombreux et de plus en plus complexes, d'où souvent pour eux la nécessité de recourir aux conseils d'un certain nombre d'experts ou de spécialistes. Sans compter que l'économie même des médias a conduit fréquemment à ce que les rédactions travaillent avec moins de journalistes, des journalistes moins spécialisés, voire des journalistes travaillant sur des statuts d'indépendants, ce qui rend parfois plus compliquées les relations entre les questions de maîtrise du contenu et la collecte de l'information. C'est particulièrement frappant dans le domaine de la télévision où nombre d'images proposées dans les journaux télévisés n'ont pas été produites par les rédactions qui les diffusent.
Laurent : Est-ce que le rôle des nouvelles technologies de l'information et de la communication n'ont pas en quelque sorte perverti les informations ? Si d'un côté elles ont rendu possible la divulgation de renseignements très rapidement, quasi instantanément, n'ont-elles pas à l'inverse supprimé la "digestion" des informations, c'est-à-dire leur confrontation avec différents témoignages ou opinions ?
Jean-Marie Charon : Les choses ne sont jamais simples. D'un côté, les technologies de l'information sont une ressource très précieuses pour les médias, notamment en matière de circulation de l'information internationale, en matière d'accès à des ressources d'informations, des banques de données spécialisées, en matière aussi de conditions de traitement du texte, de l'image ou du son pour le journaliste lui-même. Il est aujourd'hui plus facile de préparer un article sur un ordinateur en réseau que ça ne l'était quand on devait travailler sur un bloc avec un stylo. Mais il est vrai que la contrepartie est la difficulté de travailler avec de telles contraintes de temps et aussi avec une telle multiplicité de sources différentes.
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